A la memòria de Marianne Brull
Michel Doneda – Saxophones soprano et sopranino
Lê Quan Ninh – Percussion
Núria Andorrà – Percussion
Enregistré en public le 15 mars 2023 à l’Auditori de Barcelone dans la salle 04-Alicia de Larrocha par Jordi Salvadó
Mixage et masterisation par Lê Quan Ninh
Photographie : Joan Cortès
Graphiste : Marek Wajda
Producteur exécutif : Maciej Karłowski


Dans la presse
En mémoire d’une amie commune disparue, un enregistrement à trois dans une configuration instrumentale peu commune. Il y a longtemps déjà, Lê Quan & Doneda avaient enregistré en trio avec le saxophoniste Daunik Lazro. Au fil des ans et de nombreuses expériences, on a inversé le rapport de forces instrumental : un saxophoniste concentré sur les deux tuyaux percés et côniques des soprano et sopranino face à deux percussionnistes bruiteurs qui font crisser cymbales et vibrer / grincer la résonance d’ustensiles métalliques, végétaux, ligneux et d’autres à même les peaux de grosses caisses « couchées ». La photo de couverture nous montre une grosse pomme de pin qu’on applique sur la surface horizontale d’un large tambour ou une épaisse cymbale chinoise à la verticale sans doute à portée d’un autre tambour. L’angle d’incidence de cette cymbale sur la surface de la peau détermine l’intensité et la hauteur de son d’un long sifflement – vibration stridente dans l’espace. Les deux percussionnistes, Nūria Andorrā et Lê Quan Ninh fusionnnent leurs efforts dans un même flux où il est quasiment impossible de distinguer les sons et les gestes de l’un et de l’autre. Merveilleux. Plutôt qu’une musique référentielle prédigérée, c’est l’expression insolite et libératrice de sons et fréquences, d’intensités qui prédomine et nous plonge dans un écoute fascinée, une découverte sensorielle, émotionnelle ou avidement curieuse. Il n’y a qu’un seul long morceau, un événement sonique brut, un déparasitage des sensations et de la communication auditive, silencieuse, bruitiste et gestuelle. Décrivez les sons ou tentez de les imaginer « voir se produire » dans l’espace et le temps est une gageure. On est conquis d’emblée ou laissé perplexe à l’écart mais troublé … Le saxophoniste Michel Doneda pressure le bec et l’anche, explose l’articulation du souffle en déconnectant les fréquences de la colonne d’air des gammes et des accents de cette loquacité mélodique propre au saxophone et des harmonies pour les insérer dans un flux sauvage, subjectif et outrancier. Ça couine, éructe, déchiquète le timbre, contorsionne le souffle, nasalise les aigus au delà du registre le plus haut, harmoniques biseautées et magiques qui surgissent comme sans effort… une recherche constante entre le connu et l’inconnu qu’ils découvrent au même instant que l’auditeur attentif. Une débauche de frictions, de scories, d’éclats fragmentés par l’action exacerbée du corps, du souffle, des frappes, grattages, crissements, sons fantômes, excès, suraigus parasites, rumeurs … La durée n’est pas notée sur la pochette, le temps perçu étant une construction éminemment personnelle. Vraiment exemplaire !
Jean-Michel Van Schouwburg, Orynx-improv’andsounds
Sur la photo, le saxophoniste est au centre et le soprano qu’il tient droit devant lui accentue encore sa verticalité. Les percussionnistes, un homme et une femme, se tiennent respectivement à cour et jardin. Bien qu’ils soient également debout, leur silhouette est comme épaissie par l’importance de l’instrument posé à leurs pieds. Nous sommes le 15 mars 2023, dans la Sala 04-Alicia de Larrocha de l’Auditorium de Barcelone, et bien que l’on n’ait encore entendu aucun son, une véritable théâtralité, perceptible dans la concentration de chacune & chacun, se dégage de l’image saisie dans le temps du concert. Ce n’est peut-être pas l’effervescence de Berlin, mais voilà bien longtemps que la capitale catalane accueille les expérimentatrices & expérimentateurs de tous styles et de tous horizons, quand ils n’en sont pas simplement originaires. C’est ainsi que Núria Andorrà, qui rejoint ici le duo plus que trentenaire constitué par Lê Quan Ninh et Michel Doneda, a étudié la percussion à l’ESMUC, seule université publique de la ville où l’on puisse approfondir ses connaissances musicales. Depuis, quand elle n’enseigne pas au Conservatoire de Reus ou n’assure pas la direction artistique du festival Monta’Music de Monta’Music, elle se partage entre la musique contemporaine et l’improvisation libre, avec une appétence particulière pour l’interdisciplinarité et tout ce qui permet au corps de s’exprimer. On l’a notamment entendue avec Joëlle Léandre, Agustí Fernández ou Fred Frith, et vue en compagnie de Julyen Hamilton, des danseuses et des vidéastes de Ni.U et des circassiens de Constellacions. Compositrice, elle a écrit la musique d’un photoreportage de John Wessels pour Médecins sans Frontières, et poursuit depuis longtemps un sérieux travail d’investigation sur les relations en temps réel du son et de l’électro-nique. Mais ce soir-là, à Barcelone, la priorité allait à l’instant qui passe et aux moyens de le retenir et d’embarquer avec lui. À moins qu’il ne s’agisse de glisser d’un instant à l’autre avec assez d’habileté pour donner l’illusion de l’immobilité… Dans l’espace saturé de frappes, de frictions, de froissements et de tout ce qui peut émaner de la peau, du bois et du métal quand on en traque les moindres manifestations, le saxophoniste ouvrait une voie nouvelle à coups de machette cuivrée, de râles, de cris, de murmures et des fulgurances indispensables à sa progression. Sous le crépitement des baguettes ou le grondement partagé des grosses caisses horizontales prolongées par un choix circonspect d’objets incisifs, son souffle creusait un sillon définitif avant d’élargir le champ de ses investigations et de participer lui-même à la luxuriance environnante. Des répliques surgissaient parfois de tel ou tel élément constitutif du paysage, et un langage s’inventait alors sur les bases originelles de sons bruts ou sophistiqués, selon que l’échange tendait à la défiance ou à la cordialité. Du fracas au silence, le cuivre solitaire et les percussions indissociables établissaient les règles implicites d’un monde fondé sur la dissemblance et son appréhension. Et pourtant les tambours avaient déjà battu, leur vrombissement s’amplifiant à chaque roulement dans cette rumeur inquiétante où les fantômes du Nô sacrifiaient aux rites de la tragédie. La scène avait tremblé sous le flot grossissant des frappes démultipliées, et l’imminence du danger semblait justifier cette théâtralité perçue avant la musique, dans la concentration des trois improvisatrice & improvisateurs, figée par l’objectif d’un appareil à l’instant de la création. N’y aurait-il donc que dans l’art, par l’engagement de ses protagonistes, que le bruit et la fureur puissent s’apaiser devant la bonne intelligence des parties en présence ?
Joël Pagier, Revue & Corrigée #144
Accomplished improvisers understand that the sounds produced not the instruments involved which generate imaginative creative music. […] El Retorn De L’Escolta matches the soprano and sopranino saxophones of French stylist Michel Doneda, with the percussion expertise of French-Vietnamese Lê Quan Ninh and Spaniard Núria Andorrà. Doneda and Ninh have been an on/off duo for 30 years, while Andorrà has played with Joëlle Léandre and Agustí Fernández. […]
El retorn de l’escolta, subtitled “A la memòria de Marianne Brull” is a single more than 53½ minute track dedicated to a Free Music lover who died the week previously. Saddened and emboldened by the death, Doneda, Ninh and Andorrà use this elongated form to demonstrate their creativity and connection. Using only two gran casas and affiliated idiophones, the percussionist create an array of textures that are as much blustery as bellicose. Rubs, scrapes, gashes and shuffles across drum tops and reverberations from rims and sides stir up extended motifs that Doneda reflects, using extended techniques on his two reeds. With percussion timbres projected more than pounded, vibrations are created that often echo a similar airiness that the saxophonist launches from his instruments, Doneda, who has recorded in the past with percussionists like Ingar Zach and Roger Turner, take the purported two verses one situation easily in stride. From the top he builds a strong edifice of reed bites, split tones, tremolo trills, juddering breaths and refractive buzzes into a multiphonic tapestry where projected air reflects or is reflected by comparable idiophone vibrations. Although semi-lyrical interludes also figure into his playing Doneda’s airy variables are more likely to expose unbroken reed slides, circular breathed lines and spetrofluctuation. These reed twists and turns in turn find common cause with weighty urgency animated by the percussionists. By mid-point rare idiophone noises that resemble paper being crumbled or dog-like yelps are sounded or scoured from the percussion sets. Besides bell-ringing echoes and power slaps, there are also sequences where one or both percussionists demonstrate that continuous timbral extensions aren’t strictly reed function as continuous drum rolls throb on drum tops. Reaching a climax of sorts at the three-quarter mark, Doneda’s gargling breaths and shill note bending are met with slaps, thumps and pressurized rubs as drum top pressure and cymbal crashes flatten the interaction to avoid cacophony. Narrowed to forced flattement in the final sequences the subsequent radio-wave-like cackles and mouthpiece suckles produced by the saxophonist are eventually resolved into a horizontal line that joins hollow metal drum pops as the narrative fade away. Fascinating in their permutations and projections, [the ensemble] clearly confirm[s] that aural landscapes of novel and provocative sounds can be created with any instrumental grouping.
Ken Waxman, Jazzword